« Tu ne tueras pas » : Cette loi morale universelle est un verrou infranchissable qui dit la dignité inaliénable de toute personne humaine ; enfreindre cette loi, c’est donner à la société un droit de vie et de mort sur les personnes et donc leur conférer une dignité relative. C’est ouvrir une brèche à la tentation de la toute-puissance et aux inégalités sociales. Inévitablement, en effet, les plus fragiles se verront signifier qu’ils pèsent sur la société, et qu’il serait bien qu’ils demandent « l’aide à mourir ». Est-ce là la fraternité ?
Si le suicide a, malheureusement toujours existé, personne ne peut avoir le droit de demander à la société de provoquer sa mort, personne ne peut imposer à une autre personne de la faire mourir. Certains parlent d’un droit au suicide assisté ou à l’euthanasie comme de l’ultime liberté à conquérir ; la liberté de l’individu va-t-elle jusqu’à imposer sa volonté à la société, jusqu’à contraindre les soignants ou sa propre famille à lui donner la mort ? La liberté de l’individu va-t-elle jusqu’à mépriser la liberté d’autrui ?
En annonçant le vote d’une loi sur la fin de vie, avant même que la loi Claeys-Leonetti de 2016 ait été pleinement appliquée, la président de la République avait assuré que les dispositions de cette nouvelle loi seraient très strictes.
La manière dont se déroulent les débats parlementaires montre qu’il n’en est rien. La loi vers laquelle nous nous acheminons menace d’être une des plus permissives au monde. Elle ouvrira la porte aux pires dérives, en particulier l’euthanasie des enfants, déjà pratiquée dans plusieurs pays comme la Hollande.
Ce phénomène n’a rien d’étonnant. Chaque fois qu’on fait sauter un interdit fondateur de la vie en société – en l’occurrence l’interdit de donner la mort – on ouvre une porte qui ne se referme plus. C’est bien une culture de mort qui se développe sous nos yeux. Elle sera marquée du sceau de la contrainte : suppression du délai de rétractation de 48 heures (alors qu’il est de 14 jours pour un crédit à la consommation !), introduction d’un délit « d’entrave à mourir »… Cette contrainte s’exerce d’ailleurs déjà sur les parlementaires, obligés à voter en même temps la loi sur « l’aide active à mourir » et de vagues promesses sur les soins palliatifs.
Le Dieu de la foi chrétienne est le Dieu des vivants. Mais il n’est pas nécessaire d’être croyant pour voir que le projet de légaliser l’euthanasie n’est pas un projet de fraternité mais un projet de mort. Il est encore temps de se manifester auprès de nos élus pour qu’avec les médecins ils s’opposent à ce projet qui, s’il était voté, ne serait pas à l’honneur du pays des droits de l’Homme. Il est encore temps d’exiger la mise en œuvre d’une vraie politique de développement des soins palliatifs et d’un accompagnement des personnes en fin de vie conforme à la dignité humaine.
Nous vous encourageons, chrétiens du diocèse à prier pour notre pays, mais aussi pour nos élus afin qu’ils aient le courage de refuser cette loi, qui entraînerait inévitablement des dérives. Chacun peut aussi écrire à son député et aux sénateurs. Quelle que soit l’action choisit, elle se doit d’être en conformité avec l’Évangile.
+ Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse
+ Jean-Pierre Batut
Evêque auxiliaire de Toulouse